Isabelle VIEIRA, Dr vétérinaire

Mars 2001, Mise en ligne 05 février 2005

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Période de socialisation

[Un chaton qui apprécie le contact humain]

Comportement du chaton (4/5)
rôle de l'éleveur : favoriser les contacts et les stimulations

Période de socialisation

Chez le chat, la période de socialisation est précoce et courte. On l’appelle également "période critique". En effet, pendant cette période, toutes les stimulations et événements de vie vont laisser une marque mnésique indélébile, alors qu’au delà de cette période, les apprentissages sont moins bien mémorisés, du fait d’une perte de malléabilité du système nerveux.

Cette période débute avec l’attachement réciproque. Le chaton découvre le monde. Ses capacités sensorielles et motrices lui permettent d’intégrer toutes les stimulations extérieures dans son système de référence et de construire son niveau sensoriel de référence ou son homéostasie sensorielle.

Les trois processus fondamentaux d’apprentissage pendant cette période sont :

Ils se mettent en place de façon concomitante et sont liés entre eux.

La socialisation primaire

Il s’agit des processus de socialisation d’une part à sa propre espèce (socialisation intraspécifique), et d’autre part aux autres espèces, comme à l’homme ou au chien (socialisation interspécifique). La socialisation à l’homme détermine la qualité de ses relations futures avec ses maîtres. La socialisation à sa propre espèce détermine la qualité de ses relations futures et sa capacité à cohabiter avec de nouveaux chats dans la famille.

La socialisation intra-spécifique

[Couffin en copropriété : 2 méres et leurs portées]

Le chat est réputé être un animal solitaire et donc peu sociable. En réalité, quelques activités comme la chasse sont, dans la nature, des activités en solitaire. Mais la cohabitation avec l’homme a diminué la nécessité de chasser et a donc modifié la structure et l’organisation des relations sociales. On peut observer des regroupements (couples, familles, matriarcats, groupe de jeunes chats).

Pour qu’un chat soit bien socialisé à sa propre espèce, il doit vivre avec sa fratrie au moins jusqu’à 7 semaines. Cette socialisation intra-spécifique est optimum si le chaton provient d’une portée suffisamment nombreuse (4 chatons minimum), et s’il est resté avec ses frères et sœurs jusqu’à l’âge de 10 à 12 semaines. Un chaton séparé précocement de sa mère va s’identifier à l’espèce qui l’aura élevé.

C’est au cours de jeux sociaux précoces que les chatons acquièrent les rituels de communications propres à leur espèce. Les outils de communication se développent et sont utilisés dans le cadre d’une organisation du territoire. La communication phéromonale est très importante. Le flehmen apparaît vers la 5ème semaine et se développe pleinement vers la 7ème semaine

 

La socialisation interspécifique

[Manipuler les chatons dans un contexte agréable pour eux]

Elle n’est pas indélébile, contrairement à la précédente. Le chat ayant vécu avec ses congénères les reconnaîtra toute sa vie comme tels, même s’il en est privé par la suite. En revanche la socialisation à l’espèce humaine, qui va conditionner la tolérance au contact et la qualité des interactions avec l’homme, doit être entretenue. Si le chat est privé de contacts humains après la fin de la période sensible, il oublie et peut redevenir "sauvage".

 

[Les chatons doivent voir différents types d'humains : homme, femme, enfant, personne agée ...]

Pour qu’une socialisation interspécifique à l’homme se réalise, il faut que le chaton soit manipulé quotidiennement dans un contexte agréable et positif pour lui. La socialisation est d’autant meilleure que le nombre d’humains qui le manipule est grand. Il ne suffit pas de venir les nourrir. Le contact doit être réel pendant au moins 30 à 40 minutes par jour. Il faut prendre les chatons sur les genoux et pratiquer des caresses d’intensité croissante. Si la mère présente des réactions de peur devant l’homme qui vient la nourrir, les petits vont associer le danger à la présence humaine, et garderont un impact négatif de cette présence. La socialisation interspécifique ne pourra pas ainsi se réaliser. La période optimale pour commencer à manipuler un chaton en vue de le socialiser à l’espèce humaine, se situe entre la 2ème et la 7ème semaine.

 

L'acquisition des autocontrôles

Deux paramètres sont essentiels à l’acquisition des autocontrôles :

La vie en fratrie et l’apparition de jeux sociaux :

[Jeux solitaire : la souris]

Ceux-ci se développent de la 3ème semaine à la 5ème semaine, puis déclinent entre la 12ème et 14ème semaine. Les jeux individuels avec les objets se développent à partir de la 6éme semaine et atteignent leur apogée vers la 8ème semaine, quand la coordination motrice est suffisamment installée.

 

[Jeux sociaux : la bagarre]

D’après Beaver, les jeux sociaux comptent huit séquences : ventre en l’air, debout, pas de côté, affût, poursuite, cabrer, sauter, faire face. Les jeux individuels sont au nombre de quatre et simulent la chasse : attraper une souris, sauter après un oiseau, terrasser un lapin, sortir un poisson de l’eau.

 

[Chat adulte qui "rapporte la baballe à son pépére ..."]

Les jeux individuels ont tendance à persister à l’âge adulte chez le chat domestique. Le chien adulte joue rarement seul, alors que le chat adulte est capable de jouer solitairement avec de menus objets pendant des heures. La persistance de comportements infantiles à l’âge adulte concerne également des comportements de succions et de pétrissage.

 

La présence de la mère :

[La mére canalise l'impulsivité de ses chatons, fermement si necessaire]

Le rôle de la mère est primordial. Elle régule tous les débordements et empêche la fougue naturelle de se développer de façon exagérée. Les chatons apprennent par imitation. Par exemple, l’apprentissage de l’enfouissement des excréments se fait par imitation. Le chat est ainsi considéré très tôt comme un animal très propre. Le comportement de chasse naît également par imitation de la mère. Les jeux des chatons préfigurent des actions de chasse. La mère et les expériences précoces jouent un grand rôle dans la future dextérité à capturer des proies. Cependant des chats isolés ont pu développer des aptitudes à la prédation en l’absence de jeu. On peut donc admettre que les jeux permettent un entraînement "efficace" sur un patron moteur préexistant.

Le chaton apprend à réguler ses comportements moteurs en séquence bien réglée. Il apprend à rétracter ses griffes, à contrôler l’impulsivité de ses réactions d’attaque, à inhiber l’intensité de sa morsure.

 

L'acquisition de l’homéostasie sensorielle

[S'habituer à des sons variés]

L’importance des stimulations garantit une bonne homéostasie sensorielle.

La perception des stimuli de l’environnement permet de construire un niveau de référence émotionnel, qui correspond à un niveau de tolérance aux futures stimulations. Il est important de bien stimuler les chatons vis à vis de manipulations corporelles, vis à vis des couleurs, textures, types de substrats, variations de température, bruits, et odeurs qui plantent le décor de leur environnement de vie future.

 

[Decouvrir l'appartement, et devenir un parfait futur chat d'appartement]

Le milieu de vie ultérieur doit être en adéquation avec le milieu de vie de développement. Le passage d’un milieu hypostimulant pendant le développement à un milieu hyperstimulant va provoquer des réactions de peur et une incapacité à gérer tous les stimuli qui n’auront pas été intégrés préalablement au système de référence.

 

[Decouvrir le jardin et se crééer un référentiel ...]

Inversement, le passage d’un milieu hyperstimulant permettant au chat d’exercer ses talents de chasseur à un milieu hypostimulant où il va vite tourner en rond, comme dans un appartement, ne sera pas toujours bien vécu et peut engendrer des réactions anxieuses dues au confinement.

 

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