Véronique DUBOS

MAJ septembre 2003, Mise en ligne 30 mai 2005

Liens vérifiés le 18 mars 2007

Les chatons orphelins

[Quand il faut remplacer la mère chatte]

L'élevage des chatons orphelins

Si la chatte meurt en mettant ses petits au monde ou si, tout simplement, elle refuse de s'en occuper, l'éleveur se retrouve chargé de famille et doit assumer tous les besoins des chatons. Il ne s'agit pas uniquement de biberonner mais également d'assurer toutes les fonctions remplies par une chatte normalement constituée. Expérience intéressante mais exigeante si on veut la mener à bien.

  • Deux besoins vitaux sont à satisfaire immédiatement :
    • le maintient de la température corporelle (chaleur) 
    • et l'apport énergétique et hydrique (alimentation, traitée par ailleurs).
  • Là-dessus se greffent deux problèmes :
    • Le chaton est incapable d'uriner et de déféquer seul (il faut le stimuler)
    • et il n'a que très peu de défenses immunitaires (il a besoin de colostrum, traité par ailleurs).
  • Enfin, il faut assurer la mise en place d'un comportement normal.

Trouver une mère de remplacement reste LA solution idéale. Si l'adoption n'est pas possible, il faut savoir que le succès de l'élevage des orphelins tient autant à leur entretien qu'à leur alimentation.

 

Adapter l'environnement aux exigences des orphelins

Les "normes d'hébergement" concernent la température, le degré hygrométrique, la ventilation et l'espace vital.

La température

La chaleur est essentielle. Le chaton est incapable de maintenir seul sa température corporelle à un niveau adéquate jusque vers 3 semaines 1 mois. Sa température corporelle dépend en grande partie de la température extérieure. Dans les conditions normales, la chaleur de la mère et le contact entre chatons suffisent pour maintenir dans le nid une atmosphère douillette. Avec des orphelins, maintenir dans le nid une température adaptée nécessite une source de chaleur.

Lorsque la température ambiante est trop basse, le chaton doit, pour maintenir sa température, puiser dans ses maigres réserves. Une fois celles-ci épuisées, il devient moins actif, tète moins, une hypoglycémie s'installe, le tube digestif se paralyse, et le chaton finit par mourir. Le refroidissement est une cause fréquente de mortalité.
Inversement, une température ambiante trop élevée dessèche et entraîne une déshydratation qui aboutit également à la mort.

La température théorique adéquate pour les chatons est résumée dans le Tableau 1. En pratique, 30°C la première semaine donne de bons résultats.

Tableau 1 : Température à respecter pour l'environnement des chatons orphelins
Age en jours Température en °C
0 à 7 31 à 33
8 à 14 26 à 29
15 à 28 26
29 à 35 24
après 35 21

Dans une pièce chauffée, ces températures peuvent être obtenues par un chauffage d'appoint : lampe infrarouge, couverture électrique, résistance chauffante, bouillotte ou simplement bouteille remplie d'eau chaude.
Il est de bon ton de contrôler la température avec un thermomètre placé au niveau des chatons pour vérifier que la cuisson est toujours à point.

Résistances et bouillottes ont l'avantage par rapport à la lampe I.R. de chauffer le ventre et non le dos. Quelque soit le système de chauffage (mis à part peut-être la bouillotte), tous dessèchent plus ou moins l'atmosphère, entraînant un risque de déshydratation. Cela est particulièrement marqué avec les lampes I.R. Si on utilise une lampe IR placée au dessus du nid, elle doit être à hauteur réglable (en général, 70cm au dessus des petits est satisfaisant) et il est impératif de mettre des récipients d'eau à proximité pour humidifier l'air ou, à défaut, une éponge imbibée d'eau.

Chauffage d'appoint pour les chatons

L'hygrométrie

Le degré d'hygrométrie (humidité de l'air) doit théoriquement se situer entre 55 et 65%.

  • Une humidité excessive (au dessus de 75%) favorise la prolifération des bactéries et des champignons et augmente le risque d'infection.
  • Une humidité insuffisante (au dessous de 45%) entraîne un dessèchement important des muqueuses et une déshydratation.

En pratique, si la température est correcte, la présence de récipients d'eau près de l'abri des chatons évite que l'air ne devienne trop sec.

La ventilation

Théoriquement, si on en croit les grands savants qui se sont penchés sur le problème, le renouvellement de l'air au niveau des jeunes doit être de 5 fois par heure pour éviter la stagnation des odeurs et "chasser" les microbes. Au dessous, le degré d'hygrométrie chute, le gaz carbonique et l'ammoniaque s'accumulent.

En pratique la ventilation ne pose pas de problèmes si le milieu n'est pas trop confiné. Le nid ne doit donc pas être de dimensions trop réduites ni être trop fermé.

L'abri

Il doit permettre un bon isolement thermique pour éviter les variations de température et limiter les courants d'air, sans empêcher la circulation de l'air. Concrètement, une simple caisse en carton profonde, bien garnie de chiffons, serviettes lavables ou papier absorbant, équipée d'un matelas chauffant ou de bouillottes convient très bien.

Même lorsqu'on contrôle bien la température, il est souhaitable d'établir un gradient de température. Pour cela, il suffit de laisser une partie non chauffée dans laquelle les petits peuvent se réfugier s'ils ont trop chaud.

Vers 2-3 semaines les chatons commencent à explorer leur milieu et ont besoin de davantage de place.

La boite en carton Le kennel La boite en plastique
[Boite en carton aménagée] [Kennel transformé en nid] [Boite plastique]
  • moche, aspect misérable MAIS
  • jetable donc toujours propre
  • modulable
  • surveillance facile par l'éleveur
  • facile à désinfecter
  • possibilité de le fermer
  • facile à déplacer
  • pas toujours facile d'accéder au fond
  • facile à désinfecter
  • accès facile pour l'éleveur
Le panier en tissus La cage Le panier en osier
[Couffin en mousse] [Couffin en mousse] [Cage "d'élevage"] [Le fameux panier en osier]
  • esthétique ...
  • lavable mais il faut un panier de rechange
  • les chatons en sortent trop facilement
  • une cage, c'est une cage !
  • pas toujours facile à nettoyer (barreaux)
  • possibilité de la fermer
  • risque de blessure des chatons selon conception
  • très cosy
  • impossible à nettoyer
  • les chatons en sortent trop facilement
  • risque de blessure des chatons

Assurer les soins de base

Permettre la miction et la défécation

Les chatons sont incapables de faire seuls leurs besoins. C'est la chatte qui les fait uriner et déféquer en leur léchant l'abdomen et la région anogénitale. Le soigneur doit donc, après les repas, masser le périnée avec un coton imbibé d'eau tiède pour stimuler les réflexes d'élimination du chaton.

Miction et défécation chez le tres jeune

Généralement, au bout de 8-10 jours, on constate que les chatons se lèchent mutuellement, stimulant ainsi réciproquement leurs réflexes.

Enfin, vers 15 jours, on peut mettre un petit plat à litière dans un coin du nid. Certains chatons apprennent très vite à s'en servir (donc beaucoup plus précocement qu'un chaton élevé par sa mère, qui va au bac généralement vers 4 semaines !).

Miction et défécation vers 1 mois

Maintenir une bonne hygiène

Hygiène du nid

Il faut changer les chiffons assez souvent pour que le nid reste propre mais pas trop souvent car l'odeur de la portée sécurise les orphelins.
Une fois tous les deux jours semble en général une fréquence satisfaisante.

Hygiène corporelle

La chatte est très scrupuleuse quant à la propreté de ses chatons. Un "toilettage" journalier qui se substitue au léchage maternel est apprécié des chatons.

Les chatons ont tendance à se salir avec le lait. Ils ont également tendance à se souiller mutuellement avec leurs déjections lorsqu'ils se lèchent les uns les autres. Ils doivent alors être nettoyés avec soin pour éviter les irritations cutanées (avec une brosse souple, un linge humide).

Favoriser le développement psychomoteur

Pour favoriser le développement psychomoteur des chatons, le milieu doit être stimulant : stimulations tactiles, auditives, visuelles, etc.

La chatte passe une bonne partie de son temps à lécher ses bébés.

  • Il s'agit en partie de déclencher l'excrétion et de toiletter les petits.
  • Cela stimule la circulation sanguine et la respiration.
  • Le léchage a aussi une signification comportementale.
  • La mère manifeste sa présence et cela contribue à rassurer les petits.
  • Enfin, ces contacts sont essentiels pour le développement sensoriel des jeunes.

Des manipulations douces (caresses, toilettage) ont un effet très positif sur les petits.
Laisser ensemble tous les chatons de la portée permet des contacts corporels indispensables au développement.

Manipuler les chatons

Mettre la radio dans la pièce quelques heures par jour habitue les jeunes à des bruits variés (musique, conversation,...). Il ne faut pas hésiter à faire du bruit, au contraire, et de préférence des bruits variés.

Mettre la radio

La lumière est indispensable au développement de la vision. Il ne faut pas élever les petits dans la pénombre.

Permettre la mise en place de comportements normaux

Ces remarques sont également valables pour un chaton normal mais dans le cas d'orphelins, une négligence de l'éleveur ne sera pas compensée, même partiellement par la chatte. (Voir aussi "Développement comportemental du chaton")

Comportement général

A partir d'un certain âge, les petits ne doivent plus rester cloîtrés. Ils doivent pouvoir explorer leur milieu, crapahuter, apprendre à sauter, etc. Il ne faut pas les coincer sous prétexte de les protéger. Petit à petit, la caisse utilisée initialement ne servira plus d’abri que pour la nuit.

Le chaton doit s'habituer à des situations variées. Plus il aura été habitué à entendre des bruits variés, à voir des individus variés, plus son comportement d'adulte aura de chances d'être stable et équilibré. Il fera facilement la différence entre les situations normales et celles qui peuvent être dangereuses et n'aura pas peur d'un rien.

Découverte du monde exterieur

Comportement intra-spécifique

L'absence totale de contact avec les congénères entraîne un défaut de socialisation à l'espèce féline. Un chaton ne peut pas acquérir seul tous les moyens de communication propres à son espèce. Un orphelin fils unique devient un adulte incapable de communiquer avec les autres chats, de comprendre leurs postures corporelles, leurs mimiques faciales et leurs vocalises. Un tel chat a peur de ses congénères auxquels il ne s'identifie pas. Mis en présence d'autres chats la situation évolue vers l'anxiété ou l'agressivité. La cohabitation avec d'autres chats peut alors devenir impossible.

Comportement intra-spécifique

Sans en arriver à ce comportement extrême, un défaut de socialisation intra-spécifique altère presque systématiquement le comportement sexuel et maternel, ce qui ultérieurement rendra difficile la reproduction !

Comportement interspécifique

Concernant le comportement vis-à-vis de l'homme, deux problèmes opposés peuvent survenir. Si les contacts chatons - soigneurs ont été intenses, les orphelins risquent d'être trop dépendants de l'homme. Si les contacts ont été insuffisants, les jeunes ne seront pas socialisés à l'homme. Dans les deux cas, l'aspect "chat de compagnie" en prend un coup.

Lors d'hyper-attachement le chat est incapable de vivre sans la présence permanente de son propriétaire. En son absence il présente des signes "d'angoisse" : miction et défécation de peur, automutilations, dégâts dans l'appartement…Pour empêcher l'apparition d'un hyper-attachement, il faut éviter que l'établissement des liens affectifs ne concerne qu'une personne et permettre des contacts avec plusieurs personnes différentes.

A l'inverse, un chaton mal socialisé à l'homme fera un "chat sauvage", peureux ou agressif selon les cas. Pour favoriser la socialisation des chatons, il suffit de les manipuler aussi souvent que possible. Les contacts ne doivent pas se limiter à la distribution des repas. Il faut "papouiller" les chatons, jouer avec eux, leur parler, etc. Bref, bêtifier, ce qui ne pose généralement pas de problème majeur à un éleveur digne de ce nom ...

Comportement inter-spécifique

Conclusion

Pour résumer l'élevage des chatons orphelins, il suffit de retenir que le froid, la déshydratation et le manque de stimulation sont les principales causes d'échec de l'élevage des orphelins, avant même les défauts d'alimentation. D'où l'intérêt d'une mère adoptive !

Trouver une mère de remplacement reste LA solution idéale. Non seulement elle nourrit les jeunes mais elle prodigue les soins maternels de bases indispensables et permet l'installation de comportements normaux.
La plupart des chattes allaitantes acceptent rapidement quelques chatons supplémentaires. En cas de difficulté, il faut faire en sorte que les petits à adopter acquièrent les odeurs de la chatte et de sa portée.

  • Pour cela, on peut retirer momentanément les chatons de la chatte, les mettre avec les chatons à adopter de manière à mêler leurs odeurs.
  • On peut également mettre du lait ou de l'urine des chatons sur les orphelins, ou présenter la zone ano-génitale à la chatte pour essayer de déclencher chez elle le réflexe de léchage.

Une fois que les petits ont été léchés et qu'ils ont tétés, on peut les considérer comme définitivement acceptés et adoptés.

L'idéal est d'avoir sous la main une chatte dont la portée a moins d'une semaine de décalage avec les chatons à adopter. Néanmoins, même si la différence de taille entre les chatons des 2 portées semble importante, il faut tenter le coup, en surveillant bien sur (afin que les orphelins ne se fassent pas trop déborder par les chatons autochtones !).
Enfin, une femelle ayant déjà eu une portée, ayant un fort "instinct maternel", ou même un chat mâle (certains matous sont très attentionnés avec les bébés !) peuvent parfois être d'une aide précieuse et adopter les chatons. Ils ne peuvent pas nourrir les petits évidemment mais ils apportent leur chaleur, leur contact rassurant, ils assurent quelques soins, font les "couches culottes", ce qui est déjà très positif et décharge l'éleveur d'autant de soucis.

Mère biologique ou mère de substitution

A court terme, la réussite de l'élevage des orphelins est appréciée par leur comportement (le chaton tète et dort), par leur croissance (le poids journalier augmente normalement) et par leur vitalité.
A long terme, elle s'apprécie au comportement harmonieux du chat vis-à-vis de tout ce qui l'entoure et à son aptitude à établir des relations avec ses congénères et avec les hommes.

 

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