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Elevage du chatElevage du chat
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Véronique DUBOS MAJ septembre 2003, Mise en ligne 01 août 2005 0 Le colostrumLe colostrum et les défenses immunitaires du chatonLe colostrum est la première sécrétion fabriquée par la mamelle de la mère après la mise bas. Il est secrété pendant environ 5 à 6 jours, puis laisse progressivement la place à une autre sécrétion : le lait. La composition toute particulière du colostrum lui confère des propriétés bien spéciales et son rôle est fondamental pour tous les nouveau-nés.
En quoi le colostrum est-il important pour le chaton ?Le colostrum possède un rôle majeur : il assure l'essentiel de la protection du chaton contre les micro-organismes. Par ailleurs, il exerce d'autres fonctions importantes. L'immunité colostraleLe système immunitaire du jeune à la naissance ne fait pas preuve d'une efficacité redoutable face aux multiples "microbes" inévitablement présents dans l'environnement. En pratique, le nouveau-né dépend totalement de sa mère pour sa protection contre les agents infectieux. Chez le chat, le placenta ne permet qu'un très faible passage des anticorps (Ac) de la mère au jeune et le chaton naît avec un taux d'Ac très bas. Les éléments nécessaires à sa protection lui sont apportés après la naissance, par le colostrum. Il s'agit :
Une immunité systémiqueLa chatte fabrique des anticorps qui se concentrent dans la glande mammaire durant les derniers jours de la gestation. De la sorte, le colostrum est particulièrement riche en Ac. Le colostrum est secrété pendant plusieurs jours après la mise bas mais la muqueuse intestinale du chaton n'absorbe pleinement les Ac que pendant 24 heures peut-être même seulement 12 heures. Par la suite, les cellules intestinales perdent leur capacité de résorber intactes les immunoglobulines : seuls les premiers anticorps passent dans le sang du chaton (Figure 1), les suivants restent au niveau local pour certains ou sont digérés pour d'autres. Lorsque la prise de colostrum s'effectue dans de bonnes conditions, le taux
d'Ac dans le sang du chaton atteint des valeurs sensiblement équivalentes à celui de sa mère.
Ces anticorps disparaissent progressivement en quelques semaines, tandis que le
chaton acquière la capacité de fabriquer ses propres Ac (Figure 2). Figure 1 : Défenses systémiques apportées par le colostrum
* le chaton est donc théoriquement "protégé" par le colostrum pendant 1 à 2 mois selon les germes.
Figure 2 : Schéma uniquement indicatif (absolument pas réel !) des taux d'anticorps (variable selon chaque chat et chaque agent pathogène) et notion de période critique (variable selon les germes et le contexte) La principale caractéristique de cette protection d'origine maternelle est son extrême spécificité. Le colostrum apporte au chaton une protection contre des germes auxquels sa mère a été confrontée, c'est à dire des germes présents dans l'environnement ou susceptibles d'y être (cas des Ac vaccinaux). Cette protection est donc parfaitement adaptée aux germes que le chaton va avoir à affronter. Le colostrum d'une chatte donnée n'a d'autre équivalent que celui d'une chatte ayant affronté les mêmes germes, c'est à dire vivant dans les mêmes conditions dans le même élevage. Le colostrum de vache proposé dans le commerce ne peut pas remplir cette fonction bien spécifique. Des défenses localesLe colostrum apporte au chaton des anticorps dits locaux. Il apporte également des facteurs anti-infectieux non spécifiques,
capables d'agir sur un grand nombre de germes sans leur avoir été présenté. Cette protection locale limite la pénétration des germes dans l'organisme du chaton et diminue l'incidence des affections digestives mais également respiratoires. Figure 3 : Défenses locales d'origine colostrale.
Autres fonctions du colostrumA coté de son rôle primordial dans la protection anti-infectieuse, le colostrum possède d'autres caractéristiques intéressantes.
Toutes ces propriétés font du colostrum un produit irremplaçable. Pourquoi un chaton peut-il manquer de colostrum ?Il s'agit parfois d'une carence absolue : colostrum trop pauvre, mal absorbé ou mal assimilé par le chaton. Il peut également y avoir une carence relative, résultant d'une inadéquation entre ce qu'apporte le colostrum et ce qui serait nécessaire au chaton pour affronter ses conditions d'élevage. Dans les deux cas le résultat est le même : l'immunité est insuffisante, ce qui fragilise le chaton. Les causes de ce mauvais transfert de l'immunité maternelle sont nombreuses (en gras, les causes les plus courantes).
Une mauvaise production de colostrum : La chatte produit un colostrum de mauvaise qualité ou en trop faible quantité
Un nouveau-né qui prend mal le colostrum
Une mauvaise synchronisation entre la fabrication du colostrum et le moment de la naissance
Des facteurs qui rendent la tétée impossible
Éléments qui obligent l'éleveur à séparer les jeunes de la mère
La liste est déjà longue mais elle n'est pas exhaustive ! Quelles sont les conséquences d'une carence en colostrum chez le chaton ?Un défaut de transfert de l'immunité de la mère aux jeunes est une cause majeure de morbidité (% de malades) et de mortalité (% de morts) chez les jeunes carnivores.
Une carence presque absolue en colostrum est une cause majeur de mortalité précoce.Si le chaton n'a pas bu de colostrum (ou trop peu), sa protection anti-infectieuse est
ridiculement faible durant la période néonatale (Figure 4). Même isolé des sources
majeures de contamination que constituent les autres chats, il se contamine à
partir des germes banals présents dans l'environnement, transportés par les
mains, etc. Or, un tel chaton se défend mal, son système immunitaire est rapidement débordé.
Incapable de juguler un germe peu virulent, il tombe plus facilement malade qu'un nouveau-né normalement "immunisé".
Figure 4 : Prise de colostrum insuffisante, pression infectieuse normale (Schéma uniquement indicatif (absolument pas réel !) des taux d'anticorps) Une carence relative (pas assez d'Ac par rapport à la pression infectieuse) est cause de morbidité et de mortalité plus tardive, souvent vers 1 mois.C'est le cas en particulier de chatons mal protégés élevés avec de nombreux autres chats… En effet, ces chatons doivent faire face à une pression infectieuse élevée car les autres chats, même sains, rejettent en permanence des germes. La contamination des jeunes est donc systématique. Or le taux d'anticorps nécessaire pour protéger correctement le chaton est d'autant plus élevé que la quantité de germes auquel il est confronté et doit éliminer est importante. Une prise de colostrum normale s'avère donc insuffisante pour assurer une protection efficace face à une pression infectieuse anormalement élevée (Figure 5). Cela se traduit par l'apparition d'une maladie (notamment coryza) sur de très jeunes chatons, à un âge où ils sont sensés être encore sous protection colostrale. Dans un tel contexte, tout défaut dans la prise de colostrum (ou la prise de colostrum de mauvaise qualité) est bien sur un facteur aggravant.
Figure 5 : Prise de colostrum normale, pression infectieuse élevée (Schéma uniquement indicatif (absolument pas réel !) des taux d'anticorps)
Comment optimiser la protection colostrale du chaton ?On peut agir selon deux directions. Favoriser la prise d'un colostrum de bonne qualitéLa prise de colostrum doit être précoce : dans les 12 heures qui suivent la naissance. Par la suite, les immunoglobulines ne sont plus résorbées et le retard pris dans la prise de colostrum ne pourra pas être compensé. Il s'agit donc de veiller à la prise de colostrum, en particulier dans les effectifs, et encore plus lorsqu'un germe (herpes, calicivirus, chlamydies…) circule dans l'élevage. Le chaton doit pouvoir téter plusieurs fois, de manière à absorber des quantités suffisantes de colostrum. On peut favoriser la production d'un colostrum riche et abondant en veillant
au bon état de la mère. Une chatte en mauvaise condition a de bonnes chances
de ne pas produire un colostrum "à la hauteur", c'est évident. Limiter les contaminationsL'immunité d'origine maternelle ne confère pas une protection absolue pour une période définie. Toutes choses égales par ailleurs, la protection maternelle est dépassée d'autant plus précocement dans la vie du chaton que la quantité de micro-organismes à laquelle le jeune est exposé est élevée ou les germes plus pathogènes. La nature et la quantité de germes susceptibles de contaminer les chatons dépend de la présence d'autres animaux et de l'hygiène du milieu d'élevage. Les adultes possèdent leur propre flore microbienne, de manière parfaitement physiologique, et dispersent joyeusement leurs germes dans le milieu environnant. Au delà d'un certain seuil, le microbisme devient tel qu'il dépasse les capacités de défense des individus les plus fragiles (dont les chatons) et déclenche chez ceux-ci des maladies. Par ailleurs, bon nombre d'adultes sont porteurs (et excréteurs) de micro-organismes pathogènes variés. Le chat a établit une sorte d'équilibre avec ses germes et ne souffre pas (ou ponctuellement) de leur présence. Par contre, un chaton "tout neuf" est une proie toute désignée pour ces germes et lui va exprimer la maladie. C'est ainsi que, pour une même prise de colostrum, un chaton élevé seul avec sa mère dans un milieu propre (principe de la nursery) restera en bonne santé jusqu'à ce que ses propres défenses immunitaires soient efficaces (2-3 mois), alors qu'un autre, élevé au milieu de nombreux chats adultes, en contact avec des adultes excréteurs de germes pathogènes, confronté à un microbisme important, sera contaminé précocement et massivement et pourra tomber malade dès l'âge d'un mois par exemple. A partir d'un certain nombre de chats, il est donc hautement conseillé d'élever les chatons (avec leur mère) dans un local spécifique et de veiller scrupuleusement aux conditions d'hygiène. Dans le même ordre d'idées, il convient également d'éviter la contamination des chatons par des germes externes à l'élevage ! Ne pas les amener trop tôt en exposition (lieu à risque ...), ne pas faire de vente trop précoce vers un foyer "multi chat", etc. Comment parer aux carences en colostrum chez le chaton ?Utilisation du colostrum de la chatteLorsque le problème vient du fait que la chatte ne se laisse pas téter ou que les chatons sont trop faibles pour aspirer eux même le colostrum pourtant bien présent, la solution est simple : traire la chatte (même si elle rechigne) et faire boire le colostrum ainsi obtenu aux chatons, à la seringue, ce qui ne leur demande aucun effort physique, quitte à leur faire avaler à la sonde s'ils sont vraiment très faibles. Même 1 ml par prise par chaton, c'est déjà ça de pris, si on peut faire davantage, c'est encore mieux. Le tout est à refaire plusieurs fois au cours des premières 24 heures au minimum, en complétant avec du lait maternisé qui, lui, apporte les éléments nutritifs complémentaires. Constitution d'une banque de colostrum ?C'est la solution idéale, adoptée par certains éleveurs de bovins, de chevaux et même de chiens. Constituer sa propre réserve de colostrum congelé permet de disposer de colostrum parfaitement adapté au microbisme de l'élevage et de faire face aux besoins d'un nouveau-né orphelin comme à ceux d'un jeune dont la mère vient juste d'arriver à l'élevage. En cas de besoin, il suffit de décongeler à température ambiante ou au bain marie à 25°. Le problème chez la chatte est bien sur la traite …Il s'agit de récolter le colostrum en quantité suffisante sans pour autant priver les chatons de la donneuse : patience et bonne chance ! Cela me semble difficilement réalisable en pratique. Utilisation de lait de chatteContrairement à ce qui se passe dans les autres espèces, il semblerait que le lait de chatte reste presque aussi riche en anticorps que le colostrum pendant quelques semaines. Il peut donc avantageusement le remplacer en cas de nécessité. Confronté à des chatons orphelins, l'éleveur a intérêt à chercher de toute urgence une chatte, quelque soit son stade de lactation, et à lui confier les petits dans leurs 12 premières heures de vie (phase d'assimilation maximale des anticorps). Dans le même ordre d'idée, lors d'incompatibilité des groupes sanguins (mère B, chaton A), il faut empêcher les chatons de boire le colostrum de leur propre mère pendant 24 heures mais il est intéressant de les mettre en pension complète une journée chez une mère de groupe A qui, elle, peut leur transmettre ses Ac sans danger. Passée la période critique, on peut les remettre avec leur mère qui assumera le reste de la lactation. Utilisation de sérum d'un adulte de l'élevageL'administration de sérum per os ou, plus efficace, par voie sous-cutanée peut constituer un substitut à la prise de colostrum. Le sérum est moins concentré en immunoglobines que le colostrum mais il apporte néanmoins au nouveau-né des anticorps. Il suffit de prélever du sang sur un chat de l'élevage (ou mieux, plusieurs) et d'en extraire (stérilement) le sérum. Pour un chaton d'une centaine de gramme, on peut injecter 2 ml de sérum en SC et en faire boire 2 ml. L'aspect pratique n'est pas à négliger : n'importe quel chat de l'élevage (ou presque) est donneur potentiel, immédiatement disponible et permet d'obtenir des anticorps spécifiques du milieu où vont vivre les chatons. L'administration per os doit se faire dans les 8 heures qui suivent la naissance (ultérieurement, les Ac passent plus difficilement dans le sang). L'administration par voie SC peut être plus tardive bien entendu puisqu'alors le problème de l'absorption par la muqueuse intestinale ne se pose pas. Emploi d'un sérum polyvalentJusqu'il y a peu, si on était vraiment très très démuni, on pouvait essayer de parer une carence en anticorps par une protection systémique à l'aide de sérum polyvalent du commerce. Il s'agissait d'un sérum de cheval immunisé contre le typhus, l'herpes et la calicivirose, pour ne pas le nommer Serocat ND. Les résultats étaient aléatoires dans cette indication puisque la protection était limitée à quelques germes (typhus, herpes, calicivirus), les risques devaient être mesurés. Il était intéressant en milieu "hyper contaminé" par ces germes, lorsqu'il était impossible d'isoler réellement les chatons. (Auquel cas, il valait mieux arrêter momentanément la reproduction, le temps d'aérer un peu l'élevage !) Actuellement le problème ne se pose plus, le produit (comme beaucoup de sérum) a été retiré du marché. Je le signale cependant au cas où il y aurait un jour un équivalent disponible. Emploi de colostrum d'autres espècesUne vache litière produit beaucoup plus de colostrum et de lait qu’il n’est nécessaire à son veau ! Le colostrum doit être retiré de la consommation humaine et ne peut pas être récolté par les coopératives laitières. C’est un sous produit de l’élevage bovin mais il constitue une source intéressante pour les autres espèces chez lesquelles la quantité de colostrum disponible est limitée. Coté protection spécifique, il est parfaitement adapté à la protection du veau contre l’entérocoque qui traîne dans l’étable ou contre la maladie respiratoire vis à vis de laquelle la vache est vaccinée. Par contre, il est hautement improbable qu’il protége un chaton contre le coryza : la vache ne pousse pas la complaisance jusqu’à fabriquer des anticorps contre un germe dont elle ne soupçonne même pas l’existence. En revanche, le colostrum bovin apporte des éléments de protection non spécifiques locaux (lactoferrine, lysozyme etc.). Certaines de ces molécules sont équivalentes à celles présentes dans le colostrum de "toutes" les espèces animales et peuvent donc exercer leur activité efficacement chez le chaton. De plus, il constitue un apport alimentaire intéressant, au même titre qu’un lait maternisé.
Références : Casal Jezyk Giger (1996), Lepine (1996), Mackowiak (1991), Norcross (1982), Poffenbarger (1991), White (1996), Yamada Nagai Matsuda (1991)
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